Internet est-il en train de mourir ?

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Internet est-il en train de mourir ?

L’ère du “slop” numérique : quand l’intelligence artificielle inonde le Web de contenus sans âme…


📉 Un Internet saturé de faux contenus

Il paraît qu’Internet est en train de mourir. Pas techniquement… Envahi par des bots, des livres générés par IA, des vidéos absurdes et des musiques automatiques, le Web ressemble de plus en plus à une gigantesque bouillie numérique ou slop, comme on dit dans les milieux spécialisés.

À l’origine, Internet était une promesse : un lieu de savoir, de culture et de partage. Un espace libre, presque utopique. Aujourd’hui, c’est devenu un gigantesque recyclage algorithmique, où l’IA produit, copie et recopie des contenus dénués de sens dans une boucle sans fin.

Des livres jamais écrits vendus sur Amazon.
Des morceaux de musique automatique diffusés sur Spotify.
Des vidéos complotistes générées par intelligence artificielle sur YouTube.
Et des influenceurs virtuels qui vendent du rêve (et des produits) sur TikTok.

Le rêve d’un Internet créatif et humain est en train de se dissoudre dans un océan de données synthétiques.


🤖 Le règne du “slop” : la bouillie numérique

Le terme slop décrit parfaitement ce phénomène : un flot de contenus générés automatiquement par des intelligences artificielles, conçus uniquement pour faire du clic.
L’IA ne comprend pas ce qu’elle crée. Elle assemble. Elle devine. Elle hallucine. Et les plateformes, obsédées par la rentabilité, encouragent cette prolifération.

Facebook, YouTube, TikTok, X (Twitter)… tous les réseaux sont contaminés.
Certaines pages génèrent des centaines de vidéos par jour, sans qu’aucun humain n’y participe vraiment.

L’un des cas les plus absurdes ?
Le phénomène “Shrimp Jesus”, un Jésus crevette inventé par l’IA et devenu viral sur Facebook. Des centaines de milliers de partages, des millions de vues… pour un contenu qui n’existe que pour tromper l’algorithme. Le problème, c’est que le slop fonctionne. Il attire le clic. Il alimente la machine. Et il entretient l’illusion d’un Internet vivant, alors qu’il s’agit souvent d’un cimetière de contenus sans auteur.


📚 Des livres, des musiques et des infos… générés à la chaîne

Sur Amazon, des manuels de cuisine ou de botanique entièrement écrits par IA se vendent comme des petits pains. Certains contiennent des erreurs dangereuses (par exemple, des guides de cueillette de champignons incitant à consommer des espèces toxiques.)

Sur Spotify, des millions de morceaux IA remplissent les catalogues. Des compositeurs inexistants, des titres clonés, des morceaux sans émotion.
L’affaire Michael Smith en 2024, accusé d’avoir généré des centaines de milliers de morceaux IA et empoché 10 millions de dollars grâce à de faux comptes d’écoute, n’est que la partie émergée de l’iceberg.

Et dans la presse en ligne ?
Des faux articles, des fausses dépêches, des fausses citations. Des “résumés IA” produits par Google lui-même, parfois truffés d’erreurs ou de théories du complot.
Internet devient une machine à confusion : un espace où le vrai et le faux se mélangent dans un même flux d’informations automatisées.


👤 Derrière l’IA, des humains invisibles

Ce qui est encore plus troublant, c’est que derrière cette intelligence artificielle, il y a une armée de travailleurs humains.
On les appelle les travailleurs du clic. Ils vivent au Kenya, en Inde, aux Philippines. Ils gagnent parfois moins de 2 dollars de l’heure pour “entraîner” nos intelligences artificielles.
Ce sont eux qui tracent les visages, corrigent les erreurs, filtrent les contenus violents. Ils passent leurs journées à regarder des images traumatisantes pour que nos IA “apprennent”.

Sans eux, ChatGPT, Claude, Gemini ou Mistral n’existeraient pas.
Mais personne ne parle d’eux.

C’est le paradoxe de notre époque : une technologie qui promet de remplacer l’humain repose en réalité sur une exploitation humaine invisible.


🎭 L’illusion du savoir et la perte de sens

Les IA génératives bluffent, hallucinent, et mentent parfois sans s’en rendre compte. Elles simulent la compréhension, mais ne comprennent rien. Le danger, c’est que notre cerveau, lui, veut y croire. Il attribue de l’intelligence à tout ce qui parle avec assurance.

C’est le syndrome “Eliza”, du nom du premier chatbot des années 60. Déjà à l’époque, les utilisateurs pensaient que la machine les “comprenait”. Aujourd’hui, l’illusion est parfaite.

Mais à force de confondre génération de texte et création de sens, on finit par vider la culture de sa substance. On lit des textes sans auteur. On écoute des musiques sans âme. Et on se retrouve à scroller un flux infini de contenus sans émotions, sans racines, sans profondeur.


⚙️ Les géants du Web, otages de leur propre système

OpenAI, Google, Meta, Amazon… tous veulent leur part du gâteau. Chacun veut être le premier à imposer son écosystème IA, à devenir le système d’exploitation de demain.
C’est une guerre économique, mais aussi culturelle. Le Web, autrefois ouvert et décentralisé, devient un ensemble de silos fermés, pilotés par des IA propriétaires.
Les algorithmes décident ce que vous voyez, ce que vous lisez, ce que vous écoutez.

Et paradoxalement, pour combattre la pollution numérique… Google utilise à son tour l’IA. Une IA qui trie, résume et affiche des résultats issus… d’autres IA. « C’est le serpent qui se mord la queue. »


🎵 Vers un Internet plus humain ?

Tout n’est pas perdu. Je crois profondément qu’il existe encore des créateurs humains comme moi qui utilisent l’IA comme un outil, pas comme un substitut.
Des musiciens, des artistes, des écrivains qui s’en servent pour amplifier leur créativité, pas pour la remplacer. Personnellement, je fais partie de ceux-là. Je crée de la musique depuis mes 6 ans, j’ai joué de plusieurs instruments, été DJ pendant des années. Et depuis 2024, je compose aussi avec l’IA avec des outils comme Suno, Soundful, Moises ou SoundDraw. Mais je peux te dire une chose : faire un bon morceau IA, c’est du travail.  Trouver le bon prompt, ajuster les mots, tester les combinaisons… parfois 8 heures pour une chanson de 2 minutes. Alors oui, certains morceaux sont générés automatiquement. Mais d’autres (ceux des humains passionnés) ont encore une âme. Et c’est cette âme qu’il faut protéger.


🧭 Le Web de demain : slop ou renaissance ?

Le documentaire d’ARTE (disponible jusqu’au 30/12/2025 sur Youtube) pose une question essentielle :

Faut-il enterrer le rêve d’un Internet libre et humain ?

Je ne pense pas. Je pense que le slop est une phase. Une overdose de bruit avant une réinvention. À un moment, les gens en auront assez. Assez des contenus vides, des images absurdes, des voix sans émotion. Et ils reviendront vers ce qui a toujours compté : l’humain, la sincérité, la création authentique.

Je crois que le futur du Web ne sera pas sans IA. Mais il devra être humainement augmenté, pas artificiellement saturé.
Et ceux qui réussiront seront ceux qui sauront garder cette frontière claire : utiliser l’IA sans se perdre dedans…


🧠 En résumé

L’intelligence artificielle ne détruit pas Internet. C’est l’usage qu’on en fait qui le dégrade. Mais comme toute révolution, elle finira par s’équilibrer. Et peut-être qu’un jour, on regardera cette époque du “slop” comme une crise nécessaire. Un moment de désordre avant une nouvelle ère d’intelligence collective, humaine et numérique…. enfin j’espère !

Gaël Roques


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